L’association Internationale des Travailleurs

Publié le par Mailgorn Gouez

L’association Internationale
des Travailleurs

 

 

A Bâle, sous proposition de la section française, Louis Pindy présente le rapport sur " l'influence des sociétés de résistance pour l'émancipation des travailleurs " le congrès à l'unanimité adopte la résolution suivante " Le congrès est d'avis que tous les travailleurs doivent s'employer activement à créer des sociétés de résistance dans les différents corps de métier. A mesure que ces sociétés se formeront, il invite les sections, groupes fédéraux ou groupes centraux, à en donner avis aux sociétés de la même formation afin de provoquer la formation d'unions internationales de corps de métier. Ces fédérations seront chargées de réunir tous les renseignements intéressant leur industrie respective, de diriger les mesures à prendre en commun ; de régulariser les grèves et de travailler activement à leur réussite, en attendant que le salariat soit remplacé par la fédération des producteurs libres. " En concluant " le groupement des sociétés de résistance formera la commune de l'avenir et le gouvernement sera remplacé par les conseils des corps de métier. " Bref la reprise de l'idée de Proudhon : l'atelier remplacera le gouvernement. Les trois procès de l'Internationale. C'est au travers des procès intentés par le gouvernement impérial que l'on suit le mieux la progression de la section de l'Internationale. Dans le premier procès, le 20 mars 1868 les condamnations furent légères : 100 francs d'amende mais aussi dissolution de la section de l'Internationale… dès le 8 mars (c'est à dire avant la condamnation) la section avait renouvelé son conseil celui-ci est à son tours poursuivi et condamné en juin 1868 ; Au cours du procès Varlin dans sa défense déclara : " supprimer l'insolidarité qui existe entre les hommes, c'est du même coup supprimer la guerre entre nation. " Les débuts de l'Internationale avaient été laborieux du fait de l'hostilité des blanquistes et des partis républicains inquiets de la concurrence de la nouvelle organisation dans les milieux ouvriers. L'accusation de bonapartisme fut même émise alors que le pouvoir impérial encourageait des associations voisines à seule fin de réduire la possible influence de la première commission de l'Internationale. De ce fait le développement fut très lent : moins de 600 adhérents la première année, 2000 en 1867. C'est après la grève des bronziers que la section commence à gagner en influence et en nombre durant les années 1868 et 1869. Fin 1869 et au printemps 1870 la croissance de l'influence de la section de l'Internationale va devenir exponentielle provocant une panique perceptible dans l'administration. Les poursuites et l'interdiction de l'Internationale loin de réduire son influence vont bien au contraire aider à son développement: après le congrès de Bâle, de 6000 adhérents le nombre va s'élever en avril 1870 à 245.000 (chiffre de la trésorerie de l'AIT) alors que l'administration la crédite de près de 400.000 affiliés. Les fédérations locales de sociétés de résistance et des fédérations de métiers va se faire en marge de l'AIT pour éviter la dissolution judiciaire. Pour Paris la nouvelle organisation est dite " Fédération de la corderie " du nom de la rue où se trouve son centre qui est aussi celui de l'Internationale. En quelques mois le foisonnement des fédérations ouvrières va créer un maillage national impressionnant même si l'importance des centres est inégale ; aux fédérations " historiques " de Paris et Rouen ce sont Marseille Lyon, Lille, Bordeaux, Saint-Etienne et des dizaines de localités moins importantes qui se structurent. Il est remarquable de noter que c'est un mutuelliste, Theiz, qui le premier a eu l'idée de cette forme d'organisation et la fait admettre à la section de l'Internationale. Au sein de la section la démarcation entre " mutuelliste " et " collectiviste " relevait plus de la sensibilité des uns et des autres que d'un différend idéologique, la source de réflexion était la même et on notera que Varlin était lui aussi partisan actif de la coopération puisqu'il avait participé activement à la création et au développement de la " marmite sociale " un restaurant coopératif. L'attitude du gouvernement va être totalement incohérente : après avoir rappelé, courant mai 1870, dans une circulaire ministérielle le décret de 1863 instituant une tolérance pour les organisations ouvrières égale à celle dont jouissait les déjà les associations patronales le 30 avril le gouvernement d'Olivier lance une instruction pour association illicite contre les fédérations ouvrières. Un extrait des correspondances envoyées et rendues publiques après le 4 septembre1870 sont éclairantes : " A procureur Lyon - Arrêtez sur le champ tous les individus qui dirigent l'Internationale. Nous la poursuivons à Paris. " Emile Ollivier 30 avril1870 09H00 le matin Justice à tous les procureurs généraux : " J'ai ordonné cette nuit l'arrestation de tous les individus qui constituent l'Internationale. Si cette société a des ramifications parmi vous, arrêtez les affiliés. " " N'hésitez pas non plus à poursuivre les journaux de votre ressort qui contiendraient un appel à la guerre civile ou des outrages contre l'Empereur. Nous ne pouvons assister les bras croisés aux débordements révolutionnaires. Respecter la liberté ; mais la provocation à l'assassinat et à la guerre civile, c'est le contraire de la liberté. " E. Ollivier 30 avril 9H30 le matin Le procureur général à son Exc. M. le Garde des sceaux - Paris Poitiers, le 30 avril 1870:5h30 du soir " Afin d'assurer dans mon ressort l'exécution des instructions de Votre Excellence prescrivant l'arrestation des affiliés de l'Internationale, et pour pouvoir indiquer moi-même les motifs de l'arrestation, il m'est nécessaire de connaître le délit qui leur est imputé par la poursuite commencée à Paris. Veuillez bien me transmettre ce renseignement. " Justice à tous les Procureurs généraux: " L'internationale est poursuivie comme association illicite et société secrète. Elle a des affiliés dans toutes les grandes villes : tâchez de les découvrir. " Emile Ollivier 1er mai 1870: 10H05 du matin Le Procureur général à M. le Garde des Sceaux - Paris : Rouen le 1er mai 1870 9H15 le soir " Il y a à Rouen l'un des principaux membres de l'Internationale en France. Faut-il l'arrêter sous l'inculpation de société secrète ou d'affiliation au complot ? (un rapport suit) (réponse) Arrêtez de suite, mais seulement sous l'inculpation d'association non autorisée; puis nous verrons, d'après les pièces trouvées à Rouen ou ailleurs, s'il convient d'ajouter d'autres qualifications. "(1) Au travers de ces quelques citations on appréciera le sérieux et la précipitation des poursuites qui n'empêcheront pas l'Empire de ce pauv'con de Napoléon III de finir au ruisseau. -Ici une simple digression : étudier l'histoire n'est valable que si cela permet de comprendre le présent.- Mais ces poursuites vont avoir un effet induit qu'il importe de signaler : en se séparant les congressistes de Bâle s'étaient donnés, sur l'invitation de la section française, rendezvous à Paris le 1er lundi de septembre 1870. La situation créée va permettre à Marx qui a défaut de contrôler les fédérations de l'Internationale a réussi à avoir la haute main sur le Conseil général de manoeuvrer et de proposer à la place de Paris Mayence pour le congrès de 1871 de l'AIT. Les événements feront que ce congrès ne se fera pas non plus. Après avoir tenter l'amalgame avec un procès tenu à Blois attenté à des blanquistes, et qui lui-même relevait d'une provocation manifeste, trente-huit Internationaux furent finalement poursuivis devant la 6ième chambre de police correctionnelle le mercredi 22 juin 1870 comme initiateurs et participant à une société secrète, ce qui était pousser le bouchon un peu loin pour une association vivant et agissant au grand jour. La défense collective préparée par Benoît Malon fut offensive : le texte qui suit peut en donner une idée exacte : " … Quand c'est nous qui souffrons des crises, des chômages, des baisses de salaires, des aggravations de fatigue, on oppose le laisser faire et le laissez passer des économistes, et quand c'est nous qui demandons une amélioration, on nous oppose la force armée. Cela signifie que tout ce qui est contre nous est scrupuleusement observé, mais que sitôt que nous voulons être autre chose que des souffredouleur, on nous traite en barbares ; et, ici, le bourgeois suisse, le libéral belge et le monarchiste français, se rencontrent toujours. Quand on n'emploie pas la force contre nous, c'est par l'injure qu'on nous répond ; c'est en nous appelant pillards et partageux. Pillards et partageux ! cette multitude courbée sur une tâche incessante, qui fait crédit à son patron de huit, quinze,deux mois de travail, qui paye d'avance, sans intérêts, son loyer au propriétaire, et qui ne trouve d'autre institution de crédit que le mont de Piété. Pillards partageux ! ceux qui ne savent pas lire, qui paye l'impôt pour l'enseignement supérieur ! Pillards partageux ! ceux qui sont sevrés de toutes les jouissances individuelles et payent des subventions aux théâtres de luxe, dont ils sont exclus. Pillards partageux ! ceux qui par l'impôt les expropriations publiques et que l'agio et la coalition propriétaires rejettent aux extrémités de nos grandes villes, dans des taudis malsains, privés d'air, d'espace et de soleil. Pillards et partageux ! ceux pour qui l'impôt est progressif dans le sens de la misère ! Pillards et partageux ! cette catégorie de citoyens qui fouille le sol, file, tisse,construit, fond,forge, lime, pétrie l'argile, la glaise, et meurt d'inanition et de misère ; tandis que l'autre intrigue, joue, spécule, boit, mange, cotillonne, gaspille le travail accumulé, et jouit, sans mesure, de l'odieux privilège de vivre sans travailler ! Pillards et partageux ! ces déshérités qui payent l'impôt su sang pour garantir et défendre contre eux même les propriétés des autres! C'est ainsi que l'on prétend écarter un problème dont la solution s'impose à tous. Et que pourra-t-on en nous empêchant d'étudier librement les réformes qui doivent amener cette rénovation sociale qui couronnera inévitablement l'oeuvre du dix-neuvième siècle. On rendra la crise de plus en plus profonde ; le remède de plus en plus radical, en l'ajournant. En vain cherche-t-on à faire des petits industriels et des ouvriers des campagnes les soutiens d'un régime qui a pour caractère distinctif de mettre la force au service de la féodalités industrielle et agricole non moins odieux que l'ancienne. Ce que veut le peuple,- c'est d'abord le droit de se gouverner lui-même sans intermédiaires, et surtout sans sauveur, c'est la liberté complète. C'est l'abolition de l'usure, des monopoles, du salariat, des armées permanentes ; c'est l'instruction intégrale ; c'est l'application des réformes à l'aide desquelles il atteindra l'égalité des conditions. Quel que soit donc votre verdict, nous continuerons comme par le passé à conformer ouvertement nos actes à nos convictions humaines et socialistes. Nous restons fidèles et dévoués à l'Internationale, et vous verrez, par le résultats qui suivra vos condamnations qu'elle renferme une idée et une force que les calomnies et les persécutions des conservateurs ne sauraient vaincre, parce qu'elle est dans la vérité et la justice. Elle est surtout invincible, parce que, dès aujourd'hui, elle l'expression de cette forme définitive des sociétés humaines : La République sociale et universelle. "(2) Le 5 juillet 1870 la plupart des accusés furent frappés de peine de prison et d'amende. Quelques mois plus tard, le 5 septembre tous les emprisonnés étaient libérés par la proclamation de la République. Cela aurait dû être le troisième jour du congrès de l'AIT… si il avait pu se tenir. (à suivre) (1) Papiers secrets et correspondance du Second Empire, documents rassemblés par Poulet-Malassis, A. Ghio éditeur 1875 (2) Histoire de la Révolution de 1870, par Jules Claretie : document sur le troisième procès de l'Internationale page 88 et suivantes. Autres ouvrages : Histoire de l'Internationale par un bourgeois -Il s'agit là d'un ouvrage anonyme écrit à plusieurs mains. A prendre uniquement pour la documentation car par ailleurs on y apprend que Marx était fédéraliste et Bakounine jacobin ! Et bien sûr L'Internationale documents et souvenirs, de James Guillaume, Stock éditeur. Rapport sur le congrès de Bâle, G. Mollin, Armand Lechevalier éditeur. Histoire du mouvement ouvrier, Edouard Dolléans tome I

 

 

Source : Le Libertaire N°33-Juin 2009 http://www.lelibertaire.org/Libertaire/Libertaire/le%20libertaire%2033.pdf

 

 

 

 

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