Ils n’en branlent pas une : sus à ceusses qui foutent notre belle productivité en l’air !

Publié le par Mailgorn Gouez

Ils n’en branlent pas une :
 sus à ceusses qui foutent notre belle productivité en l’air !

 


lundi 25 mai 2009, par JBB

Insupportable ! On ne dira jamais assez combien nos entreprises et administrations sont bouffées par un mal bien français : la paresse. Pseudo-consultant, un certain François Dupuy dénonce ainsi le "sous-travail", ces heures volées par des salariés qui ne pensent qu’à glandouiller. Pseudo-journal économique, Les Echos n’a pas manqué de l’interviewer. Un entretien… euh… salutaire ?


Tudieu…

Ça va de mal en pis.

La France s’enfonce.

Le pays n’est plus que l’ombre de lui-même.

Et les partisans de l’anti-France - ennemis de l’intérieur et de l’extérieur - ricanent, charognards qui trinquent à notre déchéance et vautours tout prêts à mener la plus macabre des sarabandes sur la dépouille encore fumante de notre puissance passée.

En gros, demi-gros et détail : on coule.

Voilà.


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Il fut un temps où je m’étonnais d’un si triste constat, incapable de comprendre les raisons de la chute.

Naïf que j’étais, je ne voyais - alors - que le bien partout, convaincu que le monde du travail et la sphère économique ne pouvaient que fonctionner dans la plus belle des rationalités, rouages parfaitement imbriqués et machinant à plein régime, chacun à son poste et mettant du cœur à l’ouvrage, mécanique superbe qui - du patron compréhensif jusqu’à l’ouvrier vaillant et dur à la tâche - tournait si bien que l’esclave chinois, l’OS polonais ou l’ouvrier américain n’avaient d’autres choix que de s’avouer vaincus avec, au coin du cœur, la rageuse amertume de ceux qui se trouvent confrontés à plus fort qu’eux, ô destin funeste, ô triste fatum, c’est ainsi que la France était grande.

Je voyais le bien partout, disais-je, et je me trompais.

Et il m’a fallu quelques années - ainsi qu’un abonnement au Figaro et la lecture des œuvres complètes de Michel Houellebecq, Alain Finkielkraut et Serge Dassault - pour comprendre que les choses n’étaient pas si roses, que les ouvriers ne sont pas nos amis, que les travailleurs n’ont pas pour seule ambition de servir leur patron et de contribuer à la puissance française, qu’il faut se méfier comme de la peste de ceusses qui œuvrent sur les chaînes de production ou derrière les guichets des administrations, pernicieux personnages n’aimant rien tant que ne pas en glander une et ruiner cette belle productivité française qui - un jour lointain et lors d’une visite de la chaîne de montage de la Simca 1 000 - fit dire à Mon Général : « Les Français sont peut-être des veaux. Mais faut quand même avouer qu’ils fabriquent de belles voitures, hein, Vovonne ? »

C’en est terminé, j’ai ouvert les yeux.

Je sais.

Que les prolétaires sont gens méprisables.

Que les ouvriers sont facilement manipulables [1], littéralement offerts à la concupiscence de l’extrême-gauche et des syndicats trotskistes, in-Besancenot-récupération-memoriam.

Et - at last but not least, le meilleur est à venir - que les travailleurs ne sont que des putains de grosses feignasses [2], constat évident depuis des siècles mais qu’un illustre penseur vient de reformuler avec un sens aigu de la mesure intellectuelle et de l’honnêteté dialectique.


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Ça se passe dans Les Echos.

Et je ne doute guère que Serge Dassault a dû en avaler sa tartine de rillettes de grévistes de travers, le bougre ne détestant rien tant que de se voir doubler sur son ultra-droite par plus réactionnaire que lui.

Dépassement effectué avec une virtuosité remarquable par un consultant de haut vol, le trop peu connu François Dupuy, lequel prend prétexte d’un livre en préparation pour donner une ébouriffante interview aux Echos, joliment titrée « Le sous-travail, un fléau qui gangrène la société française ».

Entretien au cours duquel ce très fin observateur du monde du travail explique combien il était urgent d’évoquer ce mal qui « se développe de façon endémique dans notre pays », « corrode la société en profondeur » et ronge nos industries et administrations, ce que lui nomme « le sous-travail » et qu’on traduira en termes moins diplomatiques par cette "étrange-capacité-des-salariés-à-se-branler-la-nouille-sur-le-dos-de-leur-patron".

Un problème majeur et essentiel, souligne ce bon François Dupuy, puisqu’il « se traduit par le fait que certains salariés travaillent à peine le quart de la durée légale du travail. Voire moins dans certaines entreprises que j’ai observées ».

Même « pas le quart de la durée légale du travail » !

Alors que notre compétitivité internationale est déjà mise en pièce par les 35 heures !

Mais : où va t-on, hein ?


Attention : j’en vois qui - s’appuyant sur des chiffres plaçnt la France dans les toutes premières nations mondiales en terme de productivité - doutent, tout disposés à mettre en question la justesse d’une telle affirmation.

Gens de peu de foi qui ne savent pas que François Dupuy est un briseur de tabou - le sous-travail « est diffus, précise-t-il audacieusement. Et il est beaucoup plus facile de dénoncer les rémunérations de quelques PDG ! En France, nous avons l’indignation sélective… » - autant qu’un homme de terrain, véritable détective social dont toutes les analyses sont étayées par des faits réels.

Ainsi :

Dans une usine d’une grande entreprise industrielle française dont je tais volontairement le nom, le poste de travail est d’une durée de 7 h 38, affirme le bonhomme. Sur ce total, l’engagement de l’ouvrier, c’est-à-dire le temps réel qu’il a passé à travailler, a été mesuré à 4 h 20. La différence ? Les pauses, les conversations avec des collègues, les congés maladie qui sont aujourd’hui considérés comme un dû dans certaines entreprises. Le sous-travail, c’est tout cela. Je pourrais multiplier les exemples. Avec un constat : loin d’être cantonné, comme on le pensait, à l’administration publique, le sous-travail touche tout aussi bien les entreprises privées.

Des « pauses » !

Des « conversations avec des collègues » !

Des « congés maladie » !

J’en reste comme deux ronds de flan : les salariés pensent-ils que c’est la grande foire à la permissivité sociale - "Une heure de travail, deux heures de glandouille offertes" - pour prendre ainsi leurs aises ?

Sans déconner, les ouvriers chinois doivent bien se gondoler…


Heureusement, tout n’est pas perdu.

Et dans ce très sombre tableau de notre monde du travail, il reste au moins une chance pour les pauvres entreprises prises en otage par la paresse de leurs employés d’inverser la tendance.

Un espoir que l’interviewé - qui n’en finit pas d’illustrer ses fines analyses de salutaires observations de terrain, on sent l’enquêteur qui a longuement traîné ses guêtres sur les chaînes de montage… - livre tel quel :

Certaines entreprises ont réussi à reprendre la situation en main. Et heureusement : elles se sont ainsi sauvées - je parlais tout à l’heure d’Air France ou de Renault. Avec une volonté de fer, certains patrons ont réussi à bâtir de grands groupes mondiaux, comme Saint-Gobain, Total, Lafarge ou L’Oréal. D’autres ont échoué. Pour survivre, elles ont développé des stratégies alternatives. D’abord le recours aux intérimaires, qui eux travaillent à fond. Dans l’une des entreprises où j’ai enquêté, j’ai pu mesurer une productivité des intérimaires supérieure de 40 % à celle des salariés maison occupant le même poste !

Une « volonté de fer » et « le recours aux intérimaires » pour briser le cercle vicieux de la glandouille au travail, cette brave Maggie Thatcher n’aurait pas proposé mieux.

Ne reste plus qu’à attendre cette «  nuit du 4 août », grand soulèvement populaire que François Dupuy appelle de ses vœux pour qu’enfin soit aboli «  le statut général de la fonction publique ».

Oui : on a les insurrections que l’on peut…


On pourrait gloser à l’infini sur l’argumentaire de ce brave François, consultant de si haut niveau qu’il donne tout son sens à la première syllabe de sa fonction.

Hurler devant l’incroyable culot d’un homme passé par Sciences-Po et prétendant connaître le quotidien des travailleurs, ceux qui effectuent - pour tout juste le Smic - les boulots les plus décérébrants, à la chaîne et soumis à une pression si constante qu’ils n’ont même pas le droit de la quitter pour aller pisser.

S’étonner de la place qu’ont cru devoir accorder Les Echos aux analyses foireuses et d’abord idéologiques d’un consultant dont on devine qu’il ferait bien sien ce rêve d’un Serge Dassault (oui : encore lui…) expliquant il y a quelques mois : « Les Chinois ils travaillent 45 heures, ils dorment sur place dans leurs usines, ils font de bons produits pas chers, parce qu’ils travaillent. La France ne travaille pas. »

Remarquer qu’il n’est sans doute pas anodin de voir ce discours purement réactionnaire revenir sur le devant de la scène, puisqu’à la faveur de la crise et du régime sarkozyste se mène une offensive de très grande ampleur contre tout ce qui peut, de près ou de loin, ressembler à un acquis social.

Et supposer que François Dupuy est amené à connaître une certaine célébrité tant il incarne l’air du temps, consultant qui se travestit en sociologue pour mieux porter des coups de boutoir anti-sociaux.

Bref, on pourrait dire tout ça.

Mais je n’en ferai rien, étant moi-même un converti.

Ce que je prouve céant : au bûcher, tous ces salariés branleurs !

Vive la France !

 


La suite  : http://www.article11.info/spip/spip.php?article427

 

 

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Publié dans Vent Libertaire 29

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